LES EMPREINTES DU TEMPS

Publié le par Helene mariau

L' histoire de Clara...

 

" Non! Je ne veux plus...!"

Clara est au bord de l'abîme. Elle a laissé sa vie en sommeil.

" J'ai bien pensé mourir

De chagrin et d'ennui

j'avais cessé de rire

C'était toujours l'ennui." (Félix Leclerc )

 

Chaque réveil est encore plus agité que le précédent...les mêmes images viennent la hanter formant un cercle infernal...

Mais, une nouvelle journée se prépare déjà, plus " de place pour soi "...il faut sourire, faire comme si, occulter cet éclairage émotionnel pour espérer évacuer quelques temps toutes les situations déplaisantes, comme un simple revers de la main; elle ne vit cependant qu'en " insomnie permanente " , peu de répit pour ses pensées et préoccupations.

Des mains entreprenantes( pourtant si aimantes) parcourant ses vallons, explorant une grotte secrète et intime, une bouche assoiffée de baisers, des yeux posés sur elle, ivres de plaisir et d'amour...parfois seulement, une infime caresse, le plus anodin des contacts, la seule idée d'un regard sur son corps...l'effrayent !

Ces ruminations l'accablent, une grande tristesse l'envahit, son corps souffre, son coeur est lourd, elle étouffe. Son regard sur l'autre réalité la culpabilise : elle est une femme, en couple !!

" Lui..il ne doit pas comprendre...mais suis-je normale ?Suis-je coupable ?Ai-je le droit ? "

 

Les journées sont " électriques " , éclairées de non-dits, de ces mots qui ne sont pas autorisés à vivre !

Seule, Clara se sent mieux; elle se réfugie dans la lecture et se met à l'écart ; les images positives affluent.

Ainsi, peuvent surgir " des lieux où souffle l'esprit" ( M.Barrès )

 

" Je l'aime quand il n'est pas là !

Il est l'heure...il va rentrer..."

Les retrouvailles ?  L'angoisse ! Une peur concentrique s'empare d'elle.

" Je dois le faire...mon corps fera ce qu'il a à faire...n'y pense pas...je pleure !

Il est rentré...il semble triste? Pourtant, qui souffre ? Moi..."

Les discussions sont rares, les banalités du quotidien meublent les soirées.

" Vite se coucher...seule...lire !!"

" Des nappes de silence et d'hostilité sur le corps " s'installent.( H.Michaux )

 

" Mon corps m'appartient...mon compagnon me fait souffrir. "

Un ressentiment permanent comble ses journées - semble s'atténuer dans les moments de lecture mais renait inévitablement de ses cendres comme le phénix- il inonde sa vie - leur vie.

De plus en plus amère, Clara devient agressive; elle le juge, le critique...ils s'éloignent.

Les jours et les nuits se ressemblent; ils sont entrainés par un torrent de souffrances.

Clara , déçue, se sent incomprise, se replie sur elle-même...tout est prétexte à un débordement, tout n'est que désillusion.

Penser, lutter, penser, lutter...Clara est épuisée.

 

L'inquiétude se lit sur son visage douloureux ; elle s'inquiète du cours de sa vie, voudrait tant alléger ses douleurs, tarir ses pleurs.

Elle laisse voguer son regard sur le vide de son existence et perçoit le tumulte de son univers intérieur.

Un jour, une fenêtre s'ouvre dans son coeur et l'espoir d'un possible arrêt de cet acharnement fou contre elle-même, a pu enfin y pénétrer.

Qui a trouvé la clef ?

 

" Je dois agir, essayer de comprendre ! "

Clara consulte...

Aidée, guidée, elle décide de " regarder" son histoire et de laisser émerger les souvenirs: - des paroles flottant au gré du passé, ressurgissent : " Clara, je ne t'ai pas voulue " " Tu n'as pas été la bienvenue "

                    - une enfance en " demi-amour" , une adolescence aux relations tendues et peu affectueuses, une vie d'adulte parsemée d'agissements sournois ( propos désobligeants, critiques blessantes sur sa famille)- deux ans de dépression, confrontée seule , à la douleur : aucun appel, aucune préoccupation pour elle ; elle s'est retrouvée face à un gouffre d'incompréhension - une dérive émotionnelle qui aurait pu être fatale, sans point d'ancrage d'origine...l'échouement n'était pas loin...

Au fur et à mesure, les blessures remontent à la surface. Clara éprouve une impression poignante de malaise, de désarroi, liée à ce qu'elle ose nommer " cet amour maternel à distance ".

Intérieurement, tout s'immobilise. Un " éveil à la vie " éprouvant lui fait comprendre qu'elle a laissé trop longtemps quelque chose d'important en sommeil...

" Je suis en manque ! "

Sa vie s"est construite à partir de blessures profondes que son corps a reçues. Clara ressent un sentiment d'abandon...un voile s'est déchiré révélant des souffrances insoupçonnées...une vérité " s'est libérée ".

" Maintenant tu marches dans Paris tout seul parmi la foule.

Des troupeaux d'autobus mugissants près de toi roulent

L'angoisse de l'amour te serre le gosier

Comme si tu ne devais plus jamais être aimé " ( G.Appolinaire)

 

Cette " plongée " dans le passé réveille en elle des images; chacune a besoin d'être pleurée.

Elle se sent meurtrie, abimée...

En exhumant ses souvenirs, Clara se retrouve comme un exploreur, circulant, une lanterne à la main , dans les abysses de son inconscient à la recherche de son identité.

"On peut tout dévoiler en l'exposant à la lumière, et tout ce qui est exposé devient lui-même lumière " ( Saint Paul )

" Maman !Tends-moi la main ! Donne-moi la main ! Rien que ta main ! "

Pour donner un sens à tant " d'évènements " restés en suspens, Clara mets tous les mots-maux sous la plume, hurle en silence , lance un appel. Les lettres demeurent sans réponse.

Tout ce passé qui vit en elle, ressemble à " des histoires sans paroles " ; personne pour écouter, expliquer !

" Puis-je continuer cette " recherche " ? Je souffre...le passé est trop puissant...il me pèse ! J'ai peur de ne pas y survivre ! "

" Je sais ce que vous allez me dire. Il faut rentrer en vous-mêmes...Je suis rentré en moi-même plusieurs fois. Seulement voilà, il n'y avait personne. Alors , au bout d'un moment, j'ai eu peur et je suis ressorti faire du bruit dehors pour me rassurer..." ( Jean Anouilh )

 

"Et, si je lui en parlais ? "

Clara se confie à son compagnon, partage sa détresse, parle beaucoup car trop de silence à rattraper, des larmes , des cris...il est là, à écouter sa colère, l'accueille sans aucun reproche...

" Je ne cherche pas tant à être consolé qu'à consoler, à être compris qu'à comprendre, à être aimé qu'à aimer."( François d'Assise )

 

A force de courage, de patience, d'attention, de soutien...

Clara s'est réveillée, elle a pris conscience...Elle a choisi de mener un combat, accompagée de ses émotions, partie intégrante de sa vie.

Une route lentement préparée s'offre à elle. Dans ses moments de solitude, elle laissera aller son corps endormi et encouragera sans le juger le sentiment qui monte en elle...elle dépassera alors ses souffrances pour mieux les accepter...fermera ses entailles...cicatrisera ses blessures...et au bout du chemin...le pardon ( elle renoncera à toute vengeance) ...la compassion envers elle-même et envers les autres. ( le sentiment maternel est le résultat d'une histoire personnelle- parfois désastreuse )

Il n'y a pas de temps perdu, que du temps vécu...

Des deuils s'accompliront; la vie se remettra doucement en mouvement.

En laissant le passé mourir à chaque instant, Clara deviendra le témoin de ce qui se passe en elle; son identité sera liée au présent.

Elle pourra " se libérer ", retrouver de l'affection pour son corps, lui accorder la permission de  prendre et de donner du plaisir...elle prendra le risque de vivre, de s'aimer et d'être aimée.

Bonne route Clara sur le chemin de vous-mêmes...

" N'entendez-vous donc pas ce que crie la nature?

Que veut-elle, sinon l'absence de douleur

Pour le corps et pour l'âme un bonheur pacifié

Délivré des soucis et guéri de la peur." ( Lucrèce )

 

A TOI ...QUI A TROUVE LA CLEF !!

 

A TOI...LUI OU ELLE...POUR EUX, POUR VOUS, POUR NOUS !

" A toi qui m'as obligée à me poser tant de questions,

à toi devant qui je me suis sentie impuissante,

à toi qui as progressé si vite,

à toi que j'ai accompagné dans la terreur de l'abandon,

à toi que j'ai tenu dans mes bras,

à toi dont j'ai entendu l'histoire,

à toi qui m'as émue par l'intensité de ta tendresse,

à toi qui m'as confié tes désespoirs,

à toi qui m'as hurlé tes haines et rages d'enfant,

à toi qui as découvert la vérité,

à toi que j'ai eu tant de mal à rencontrer,

à toi qui t'es ouvert à moi,

à toi qui ne voulais pas me faire confiance,

à toi qui as su affronter ta réalité et regarder les souffrances de ton passé,

à toi qui as su parler à tes enfants et les écouter,

à toi qui as su réparer,

à toi qui as redécouvert l'amour,

à toi qui as choisi de ne plus souffrir,

à toi qui m'as fait confiance pour t'accompagner sur le chemin de toi-même,

à toi. ( Isabelle Filliozat )

    

   Hélène Mariau

 

 

 

Publié dans Récits-histoires

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